Camouflage autistique : comprendre un phénomène complexe
- 30 août
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 24 sept.
Le camouflage autistique a pris beaucoup d’ampleur dans la recherche et les médias au cours de la dernière décennie… mais de quoi s’agit-il ?
En termes simples, il s’agit de masquer ou modifier certains comportements afin de paraître “moins autiste” et mieux s’intégrer dans un environnement pensé pour les personnes non autistes. Selon Ai et al. (2022), il correspond à un ensemble de stratégies, conscientes ou non, utilisées pour minimiser ses différences et s’adapter à un environnement qui ne correspond pas à ses caractéristiques.
Le camouflage peut inclure :

Masquage : suppression de comportements (ex. réduire l’autostimulation, éviter de parler de ses intérêts spécifiques).
Compensation : apprentissage de comportements jugés socialement acceptables (ex. forcer le contact visuel, mémoriser des “scripts sociaux”). Cette compensation peut être superficielle ou profonde (Livingston et al., 2020)
Pourquoi camoufler ?
Les raisons évoquées sont souvent liées à l’intégration sociale et à la survie en société : éviter le rejet, se protéger du harcèlement, se faire des amis, trouver ou garder un emploi (Cook et al., 2021).

Quels impacts ?
Les conséquences rapportées sont surtout négatives :
Épuisement, anxiété, dépression,
Perte d’identité,
Idées suicidaires (Cage et al., 2018; Cassidy et al., 2023; Hull et al., 2017, 2021; Higgins et al., 2021; Seers & Hogg, 2023).

Certains effets positifs sont toutefois rapportés : meilleure intégration sociale, maintien d’un emploi, réduction ponctuelle de l’anxiété (Bradley et al., 2021). Mais ces bénéfices se paient souvent au prix d’une grande fatigue psychologique.
Ne pas camoufler peut, pour certaines personnes, mener à plus d’authenticité et de bien-être. Cependant, dans un contexte non inclusif, cela peut entraîner du rejet, du harcèlement ou de l’isolement.
Notre étude
Notre équipe a analysé qualitativement des discussions issues d’un forum web britannique (National Autistic Society).
Période : 2005 à 2020.
Corpus : 194 messages de 68 utilisateurs.
Méthode : analyse inductive et sémantique pour laisser émerger les perceptions.
Résultats principaux
Le ton était majoritairement négatif, soulignant l’épuisement et l’anxiété liés au camouflage. Quelques messages reconnaissaient des avantages contextuels.
Les raisons de camoufler : se protéger, s’intégrer, obtenir ou garder un emploi.
Les contextes les plus fréquents : le travail, la présence de personnes non autistes, ou l’espace public.
Le camouflage diminuait surtout dans des environnements sécurisants (à la maison, ou avec d’autres personnes autistes; Crompton et al., 2020; Williams et al., 2021).
Que retenir ?
Le camouflage n’est pas intrinsèquement négatif : il peut parfois faciliter l’intégration sociale. Mais lorsqu’il est constant et imposé par la stigmatisation, il devient néfaste.
Pour réduire la pression à camoufler, plusieurs leviers sont possibles :
Individuel : ouverture et acceptation de différents styles de communication.
Environnemental : création d’espaces inclusifs permettant d’être soi-même.
Sociétal : sensibilisation à l’autisme et reconnaissance des différences neurodéveloppementales.

En somme, le camouflage est le reflet d’un ajustement à un environnement souvent peu inclusif. L’enjeu n’est pas de demander aux personnes autistes de changer, mais de créer des milieux assez ouverts et bienveillants pour que chacun puisse se sentir pleinement soi-même.
Lien vers l’article complet :
Larochelle-Guy, J., Martinez L., I., & Dufour, M.-M. (2025). Autistic people’s perceptions of social camouflaging: Qualitative analysis of a web forum. Advances in Autism. https://doi.org/10.1108/AIA-04-2025-0032
Cet article de vulgarisation a été écrit par Iris L. Martinez, auteure du papier original et étudiante au doctorat en informatique cognitive à l'Université du Québec à Montréal (UQAM), et Marie-Michèle Dufour, Ph.D., ps.éd. professeure adjointe à l'École de psychoéducation de l'Université de Montréal.
Références
Ai, W., Cunningham, W. A., & Lai, M.-C. (2022). Reconsidering autistic ‘camouflaging’ as transactional impression management. Trends in Cognitive Sciences, 26(8), 631–645. https://doi.org/10.1016/j.tics.2022.05.002
Bradley, L., Shaw, R., Baron-Cohen, S., & Cassidy, S. (2021). Autistic Adults’ Experiences of Camouflaging and Its Perceived Impact on Mental Health. Autism in Adulthood, 3(4), 320–329. Scopus. https://doi.org/10.1089/aut.2020.0071
Cage, E., Cranney, R., & Botha, M. (2022). Brief Report: Does Autistic Community Connectedness Moderate the Relationship Between Masking and Wellbeing? Autism in Adulthood, 4(3), 247–253. https://doi.org/10.1089/aut.2021.0096
Cassidy, S., McLaughlin, E., McGranaghan, R., Pelton, M., O’Connor, R., & Rodgers, J. (2023). Is camouflaging autistic traits associated with defeat, entrapment, and lifetime suicidal thoughts? Expanding the Integrated Motivational Volitional Model of Suicide. Suicide and Life-Threatening Behavior. Scopus. https://doi.org/10.1111/sltb.12965
Higgins, J. M., Arnold, S. R., Weise, J., Pellicano, E., & Trollor, J. N. (2021). Defining autistic burnout through experts by lived experience: Grounded Delphi method investigating #AutisticBurnout. Autism, 25(8), 2356–2369. https://doi.org/10.1177/13623613211019858
Hull, L., Petrides, K. V., Allison, C., Smith, P., Baron-Cohen, S., Lai, M.-C., & Mandy, W. (2017). “Putting on My Best Normal”: Social Camouflaging in Adults with Autism Spectrum Conditions. Journal of Autism and Developmental Disorders, 47(8), Article 8. https://doi.org/10.1007/s10803-017-3166-5
Livingston, L. A., Shah, P., Milner, V., & Happé, F. (2020). Quantifying compensatory strategies in adults with and without diagnosed autism. Molecular Autism, 11(1), Article 1. https://doi.org/10.1186/s13229-019-0308-y
Seers, K., & Hogg, R. (2023). “Fake it ‘till you make it”: Authenticity and wellbeing in late diagnosed autistic women. Feminism and Psychology, 33(1), 23–41. https://doi.org/10.1177/09593535221101455
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